Bonjour Julian, pouvez-vous partager avec nous ce qui vous a motivé à vous orienter vers le design mobilier durable et comment cette passion est née ?
Le bois a toujours fait partie de ma vie. Mon père travaillait ce matériau noble, ma mère et lui tenaient un magasin de jeux en bois. C’est donc assez naturellement qu’après mon bac, je me suis orienté vers des études de design produit, et un diplôme supérieur d’arts appliqués à l’École Boulle.
La dimension durable du design mobilier a pris vraiment plus d’ampleur avec mon expérience chez Morning. C’était une sensibilité que j’avais déjà, Morning m’a laissé la liberté d’explorer cette voie, et m’y a même encouragé car c’est dans les valeurs et dans l’ADN de l’entreprise.
En tant que Directeur du design mobilier, comment intégrer-vous les principes de durabilité dans vos projets de design de produits et quels défis avez-vous rencontrés ?
Intégrer les principes de durabilité dans nos projets de design, c’est la première étape de la démarche Morning. Dès le début, nous essayons d’identifier toutes les contraintes - qu'elles soient d'usage, de prix, fonctionnelles ou ergonomiques - et d’avoir une bonne compréhension de l’utilisation qui sera faite du produit. Cela nous permet de faire les meilleurs choix de matériaux et de techniques de fabrication pour le long terme.
Prenez l'exemple du placage bois : il est très pertinent pour une table de réunion ou en façade d’un meuble. Mais pour les usages d’un café-comptoir, il est beaucoup moins adapté, et son remplacement générera un impact environnemental plus important. Avant même de concevoir l’objet, nous réflechissons également à sa fin de vie, comment il sera recyclé.
Enfin, cette approche s'accompagne d'un choix rigoureux des matériaux : nous privilégions systématiquement les matériaux français ou européens.
Pour vous, quelles sont les compétences clés qu'un designer doit développer pour créer des articles de mobilier à la fois esthétiques et durables ?
Sur le volet durabilité, je pense qu’il est important de se former régulièrement. C’est une discipline qui requiert des compétences techniques très particulières et très mouvantes.
Cela demande aussi de déconstruire ses a priori : parfois, une solution qui nous paraît la plus durable n’est finalement pas si bonne que cela quand on regarde le projet dans son ensemble !
Sur les soft skills, l’empathie est importante, en ce qu’elle permet de se mettre à la place de l’utilisateur final, mais aussi de comprendre les besoins et les souhaits des décideurs. Enfin, la curiosité permanente me semble indispensable : avoir toujours un oeil qui traîne, partout, aller repérer une tendance ou une technique, même dans un autre secteur, comprendre les mouvances…
Pourriez-vous nous parler d'un projet particulier où vous avez réussi à allier innovation et durabilité dans le design mobilier, et quels enseignements en avez-vous tirés ?
Je pense à la dernière arrivée de notre gamme, la “table Inouïe”. Elle est confectionnée à partir d’anciennes vitres de train, que nous stockions depuis deux ans dans notre atelier. Puis un jour, nous avons récupéré des planches de bois qui étaient destinées au rebut ; on a alors su que c’était le matériau idéal à associer aux vitres pour donner vie à cette table. J’ai appris qu’il faut savoir prendre le temps de trouver la bonne idée, sans se précipiter. Quand la bonne occasion se présente, on la reconnaît tout de suite.
Je pense également à notre “table tréteau” : elle paraît simple au premier abord, mais nous l'avons totalement pensée dans une logique de durabilité. L'objectif ? Que les utilisateurs aient envie de la conserver même après un déménagement. Nous avons donc conçu des piètements techniques adaptables, compatibles avec différents plateaux, de dimensions et d'aspects variés. C'est un système qui permet de redimensionner et d'adapter le mobilier dans le temps. Le succès est au rendez-vous : nous la commercialisons depuis plusieurs années et elle trouve régulièrement une seconde vie en réemploi.
Comment l'évolution des attentes des consommateurs influence-t-elle votre approche du design durable dans le secteur du mobilier, et quelles tendances observez-vous actuellement ?
On observe une vraie prise de conscience en faveur du mobilier fabriqué en France ou en Europe, et Morning a de forts atouts en la matière. Le mobilier de bureau de seconde main se taille aussi une place de plus en plus importante, cela s’inscrit dans la RSE et les politiques d’achats responsables des entreprises.
Les clients et les prospects que l’on rencontre sont de plus en plus sensibles à payer le bon prix, le prix juste, pour une belle pièce comme une grande table de réunion sur mesure.
Quel rôle joue la technologie dans le développement de solutions de design mobilier durable, et comment l'alignez-vous avec les valeurs écologiques de votre entreprise ?
Chez Morning, nous nous situons à mi-chemin entre l'artisanat et l'industriel. Les nouvelles technologies comme la commande numérique ou la découpe laser deviennent plus accessibles, ce qui nous offre une plus grande liberté de conception et de créativité, tout en restant au service de la durabilité. La modélisation 3D est devenue un outil central qui fluidifie les échanges entre toutes les parties prenantes : fabricants, ébénistes, imprimeurs 3D…
En regard de vos expériences et de vos compétences analytiques, comment envisagez-vous l'avenir du design durable dans l'industrie du mobilier, et quel impact espérez-vous avoir ?
L'impact environnemental devient un élément central et différenciant. Les analyses de cycle de vie et les scores d'impact pour le mobilier se généralisent, notamment dans les projets de construction où le mobilier peut contribuer à réduire l'empreinte globale d’un projet d’entreprise.
Notre ambition est de proposer des solutions pertinentes à des prix justes, qui reflètent la vraie valeur des choses et du travail, tout en privilégiant la production locale.
Pour plus d'informations : https://morning.fr/
